Report par Sabrina M. Lozen – Photography / extrait vidéo kermhit
Jour 2 – 07/09/2024
C’est la journée la plus intensive de ces 3 jours qui démarre, avec 12 groupes qui vont faire fuir les oiseaux du parc (et les résidents du quartier) à partir de 13h30. J’arrive cette fois 1h à l’avance afin de trouver une place de parking à côté du site. La stratégie a payé, même si ça reste compliqué au niveau stationnement et oblige à se garer un peu n’importe comment entre les arbres, rochers et autres véhicules.
Qu’à cela ne tienne, on n’est pas venu là pour palabrer sur les aspects logistiques mais pour se prendre de bonnes grosses distos dans la tronche pendant 11h, et avec le sourire s’il-vous-plaît ! Mais comme il faut quand même ménager la cavalerie, on démarre doucement avec le Doom gothique de Gonezilla.
Et effectivement, la musique sombre et lente des Lyonnais n’a pas pour objectif de nous sortir de la sieste à coup de pieds au cul, mais plutôt de nous susurrer des berceuses hypnotiques au pays des rêves. Les riffs sont lourds et mélancoliques, la chanteuse envoûte avec sa voix chaude même si elle se permet quelques escapades vers les aigus.
Néanmoins, on ne tombe pas dans le piège du Doom monolithique, et des variations de tempo s’immiscent dans les morceaux, permettant des passages plus aérés voire entraînant dans l’esprit Heavy, même si les soli restent gras et profonds malgré tout.
Les Limbes ténébreuses viennent de s’abattre sur Mennecy, ça commence fort.
Pour la suite, voici un groupe qui me permet de garder foi en l’avenir du Métal. Quant la Gen Z décide de se frotter au Death old-school de mon enfance, et y arrive avec autant de panache que les Bretons de Tanork, je me dis que la relève est assurée !
Alors non, on n’est pas dans le gros Death brutal qui tache, mais dans celui qui groove dans le but de créer des vagues de chevelures synchronisées dans la fosse. Sur fond de riffs puissants et pesants, ça tabasse mais en subtilité, avec une rythmique mid-tempo parfaitement adaptée et des guitares grinçantes à souhait. C’est direct et efficace !
Quelques accélérations et envolées de soli qui virent vers le Thrash, quelques blasts, et des passages carrément cinglants pour enrober le tout d’une vibe catchy, et le tour est joué.
Ha oui, et bien sûr, certains morceaux sont en breton, mais ça, vous vous en doutiez je suppose. A vue de nez, ils n’ont pas 20 ans, voire 18 ans, et ils ont déjà montré qu’ils avaient le potentiel de suivre la voie des grands noms du genre, ça va nécessiter de les suivre de près !
On reste dans le Death pour la suite, mais fait d’un autre acier. Les Parisiens de Daturha nous offrent cette fois une Métal progressif et technique, dont la variété des influences est palpable tout au long du set.
Portés par une batterie percutante, les guitares alternent entre rondeurs massives et légèreté vibrante. Les contre-temps se partagent les compos sans trop en faire, le chant clair répond au guttural, bref, les extrêmes se rejoignent dans la technicité.
Certains passages pencheraient même allègrement vers le Blues et le Rock. Quant au public, il est encore à même de se concentrer pour apprécier toute la richesse de la musique en ce milieu d’après-midi.
Autant en profiter parce qu’on se rapproche dangereusement du moment fatidique où ça va dégénérer en apocalypse joyeuse.
On rajoute un peu d’exotisme pour la prestation suivante, avec l’arrivée d’Onigami.
Oui, ça sonne asiatique, comme les titres de certains de leurs morceaux d’ailleurs. L’intro est sur le même ton, pendant que les musiciens prennent place.
Par contre, l’influence nippone va plus ou moins s’arrêter là, parce que les chemises-cravates nous ramènent en Occident aussi efficacement que leur Hardcore pêchu et résolument décalé. La formation nous délivre un set tout en violence et énergie. Ca grince et ça martèle tout en finesse, et l’enthousiasme des musiciens est communicatif.
Les 2 chanteurs se répondent avec humour, entre rap, growl et scream, pendant que les gratteux virevoltent de gauche à droite. Il n’en faut pas plus pour électriser une fosse qui se met à circonvolutionner de manière chaotique.
On repart sur la Eye Stage pour changer d’état d’esprit, avec Gravekvlt.
Avec un nom pareil, difficile de s’imaginer à quoi s’attendre. Et ce n’est pas l’introduction avant le show qui va nous aider puisqu’on nous annonce du « Evil Speed Metal Punk ». Euh….je ne suis pas très au fait de tous les sous-genres, sous-sous-genres, et autres dérives qui ont foisonné au cours des années dans la scène Métal, mais je doute que cette terminologie soit vraiment validée.
Bon, les protagonistes viennent de France, de Nantes plus précisément, mais ça ne nous avance pas vraiment. Au niveau look, c’est style année 80s avec un focus sur les lunettes noires. Et question musique, et bien, ça part en vrille directement.
Rapide, rentre-dedans, et sans concession, ça sent le vieux Black mélangé au Rock’n Roll avec quelques pointes de Death. Un meltingpot old-school quoi ! La recette fonctionne, et les cornes du Diable se lèvent pendant que les nuques ploient. Un peu redondant pour ma part, mais ça passe bien en live.
A ce stade, on se prépare pour un des moments phares de la journée, avec la prestation de LocoMuerte.
Je ne suis même pas sûre que ce soit encore nécessaire de les présenter tellement on a vu les Parisiens sur presque toutes les scènes de l’Hexagone cette année ! Et il faut dire que c’est à chaque fois une belle branlée, tellement ce groupe sait galvaniser les foules en live.
Leur Thrash crossover version Chicanos, chanté en Espagnol et porté par des musiciens qui débordent d’une énergie furieuse et d’une joie démentielle transforme immanquablement le pit en marée de slams infatigable. Entre influences Punk, Hardcore, ou Thrash, la totalité des compos semble avoir été créée par un génie sous speed branché sur 1000 Volts.
Le festival était aussi l’occasion de fêter les 10 ans de l’arrivée d’El Termito (chant) dans le groupe. De quoi fêter ça avec un tour de croco-slams, 3 morceaux de leur nouvel album et Un « Mi Familia » entonné pour accueillir le public sur scène. Bref, un show « Muy Brutaaaal » comme à chaque fois !
Le groupe qui a la tâche compliquée de passer après LocoMuerte, c’est Arcania, originaire d’Angers.
C’est du Thrash à n’en pas douter, les riffs sont lourds, le son est puissant. Le style se veut progressif, avec des morceaux travaillés, des mélodies et quelques touches de groove.
Des petites teintes Death fleurissent ça et là également. Pourtant, ce qui devait arriver arriva.
La redescente après le show des Bandoleros hystériques fait que je ne peux m’empêcher de trouver la prestation un peu morne, avec un rythmique peu variée et peu encline à capter mon attention. Il va falloir que j’assiste à un concert d’eux dans d’autres circonstances pour savoir si mon impression se confirme ou s’il s’agit d’un biais « chicanos ».
Pour se remettre dans le bain, rien de tel qu’un petit saut anachronico-Punk (je lance un nouveau sous-genre) avec Opium du Peuple.
Ceux-là non plus ne se prennent pas au sérieux, c’est le moins qu’on puisse dire. La dernière fois, les 2 chanteuses et leur incontournable acolyte masculin, Slobodan, nous avaient gratifié de la chorégraphie de Rabbi Jacob.
Cette fois encore, le set entier fait la part belle à des reprises déjantées de grands classiques de variété française (et même de NTM pour intro) en version Punk/Metal. C’est gras, ça frôle l’humour douteux, et ça marche.
Que ce soit Santiano, scandé en choeur par une fosse en délire, ou du Cabrel, Voulzy, et consorts, les Métalleux ont montré qu’ils étaient susceptibles de certaines dérives musicales qu’on taira quand même pour les âmes sensibles.
Bon sang, cette programmation éclectique va finir par avoir raison du peu de cohérence cognitive dont je peux me targuer. Passer du Punk parodique au Stoner/Doom à tendance grunge, ça fait vraiment mal aux cheveux ! On oublie donc Hughes Aufray pour passer dans la psyché des Parisiens de Fátima.
Voilà un set donc beaucoup plus posé, faisant la part belle à des compositions travaillées et harmonieuses. Ça ne transpire pas le désespoir mais plutôt le lâcher-prise dans ce monde de fou, même la hargne du chant reste contenue, presque enivrante.
Comme son nom l’indique partiellement, le groupe inclut des sonorités orientales qui se diffusent subtilement dans la musique. Néanmoins, les passages arabisants n’étaient clairement pas très prégnants dans le set de ce soir.
Pour vous dire, si on ne m’avait pas parlé de leurs influences avant leur prestation, je n’aurais sans doute même pas identifié cet aspect dans les compos ! Peut-être une volonté de leur part, ou un manque de concentration de la mienne.
La Finlande est un vivier du Métal, capable d’engendrer de nombreuses formations de qualité, c’est une évidence. Mais aussi de faire accoucher du néant quelques phénomènes étranges, tels que Lordi.
On les connaît sans doute surtout pour leur victoire à l’Eurovision 2006, et bien sûr pour leurs costumes monstrueux qui sont aussi indissociables du groupe que les casques futuristes pour les Daft Punk. Au niveau scénographie et photos, c’est du bonheur.
Même la claviériste nous inquiète avec ses yeux non assortis et son sourire figé. Ces costumes sont des petites perles horrifiques, dans un style caricature kitch du plus sale effet.
Niveau musical, le Hard-Rock/Heavy est assez classique et comprend tous les ingrédients pour plaire sans se frictionner les méninges au gros sel.
Des mélodies accrocheuses, des refrains entêtants, une rythmique qui s’envole au moment stratégique de manière implacable, bref, de quoi s’éclater tranquillement les cervicales tout en gardant un minimum d’équilibre psychique. Pour une fin de journée intense, c’est exactement ce qu’il nous faut !
Pour la dernière prestation de la Eye Stage, un petit Brutal Death semble bien à propos. Mais cette fois, direction le Sud, plus précisément Madrid d’où est originaire Avulsed.
Fer de lance du Death ibérique depuis 30 ans, j’attendais leur concert avec impatience et je me suis régalée ! C’est du brutal, donc forcément, ça n’évite ni les riffs massifs, ni les tempos glauques et encore moins les guitares crasseuses.
Le timbre guttural du chanteur prend un malin plaisir à varier du plus lourd au plus tranchant. Quant aux guitares, elle dominent allègrement le set (dont une double manche, ça mérite d’être souligné), avec leurs tonalités lugubres et acerbes, nous amenant au seuil critique de la crise d’apoplexie.
Difficile de ne pas tomber en pâmoison devant l’élégante violence (oui, ça existe !) de cette musique, tout droit sortie d’un esprit pur et intègre…pardon, brut et dés-intègre.
Nous voilà arrivé à la tête d’affiche, qui va nous permettre de nous replonger dans l’esprit de la fameuse Neue Deutsche Härte. C’est donc allemand, mais non, ce n’est pas Rammstein ! Car la musique de Eisbrecher a beau sonner très Métal indus, avec quelques relents de virilité qui s’imposent, le côté martial de certaines compos est contrebalancé par quelque chose de plus groovy, voire poétique par moment.
Pour preuve, cette intro jouée à l’harmonica par le chanteur Alex Wesselky en costume et chapeau tyrolien, comme hommage à son enfance. C’est émouvant quoi !
Pour le reste, c’est quand même blouson de cuir, casquettes d’aviateur, et pic à glace rageusement brandi, histoire de garder un minimum de crédibilité.
La batterie martèle avec puissance, les riffs sont impitoyables, le groove se frôle un passage au milieu de la rythmique militaire, et même les mélodies gardent la tête haute dans cette explosion de violence teutonne.
Bref, de quoi finaliser comme il se doit ce samedi de furieuse décadence. Il est temps de rassembler les morceaux de cervelle éparpillés dans la fosse avant de prendre congé avant la dernière bataille qui s’annonce non moins virulente.