Report par Sabrina M. Lozen – Photography / extrait vidéo kermhit

REPORT DAY 1

Jour 2 – 06/07/2024

Je me lève ce matin avec la même question en tête que tout le monde : va-t-on échapper à l’orage ?  Les prévisions n’annonçaient hier rien moins qu’une tempête, ce qui obligerait à mettre fin au festival.  Néanmoins, je préfère rester optimiste, et après le traditionnel Monster du matin, je me rend confiante vers l’entrée du site.  Pour le moment, tout va bien, et je papote avec un collègue photographe jusqu’à l’ouverture.  Le ciel est certes un peu plus menaçant que hier, mais a priori, rien n’empêche le premier groupe de prendre d’assaut le Terminal 2 à ce stade.

La marche funèbre commence donc à 15h avec Bakü, un groupe de post-Metal originaire de Valence.

Ils posent d’emblée leur intention musicale avec une ambiance sombre, un rythme saccadé, et une basse hypnotique.  On se croirait en pleine séance d’incantation, s’attendant à tout moment à voir surgir la divinité japonaise dévoreuse de cauchemars qui a donné son nom au groupe.

Bon, malheureusement, elle semble être restée insensible à nos prières, mais la transe musicale apportée par le combo est déjà bien suffisante pour nous emmener vers un monde entre rêve éveillé et sommeil paradoxal.  Ce n’est pas sans rappeler l’atmosphère de Cult of Luna.

Portée par une voix possédée, le rythme lancinant et des guitares lugubres nous transportent vers un désespoir sans échappatoire.  C’est le genre de groupe dont l’aura se manifesterait mieux en fin de soirée par une nuit sans étoiles, mais on ne va pas chipoter non plus.

Vient ensuite les vainqueurs du Tremplin Plane’R Fest 2024, Animalize.

Pour le coup, nous voilà bien réveillés à coup de guitares cinglantes et de riffs déchaînés ! Parce que ce groupe montant de la scène lyonnaise a décidé de nous ramener à l’âge d’or du Heavy/Speed Metal des années 80s, sans trop s’inquiéter de notre équilibre psychologique.  Les coupes choucroutes et les combinaisons en spandex de couleurs vives agrémentées des indémodables chaînes qui pendent de partout sont de sortie.

Hormis cette petite digression mode, on comprend parfaitement pourquoi ils ont tapé dans l’oreille lors du Tremplin.  Les soli endiablés et les refrains catchys déferlent dans une énergie dévastatrice, le chant est puissant et entraînant, les lignes mélodiques sont percutantes.

Bref, tout ce qu’on attend du style.  Les gars montrent qu’ils sont heureux d’être là, et leur bonne humeur est contagieuse, le public est déjà en extase !  P.S. : dommage que la tronçonneuse n’ait jamais démarré, ça aurait pu devenir gore !

Allez hop, on change encore de monde dans ce multivers créé par l’aviateur des ténèbres. C’est maintenant Ashen qui vient proférer sa messe noire très personnelle.

Ce groupe de Rock Metal parisien nous plonge dans les affres des émotions profondes avec ses sonorités déchirantes et cathartiques portées par un chant qui vrille l’âme.

La musique se montre poignante, la rythmique profonde, les teintes rock expriment le désarroi d’une âme perdue dans les tréfonds de ses propres chimères.

Presque énigmatique par moment, l’alternance de chant clair et hurlé, les variations rythmiques, et la batterie qui explose de rage à chaque coup, tout est fait pour nous consumer de l’intérieur sans résurrection possible.

Une bien belle découverte !

Entre-temps, les nuages se sont joyeusement amoncelés dans le ciel pour profiter du spectacle et ils décident tout d’un coup de larguer leur trop-plein d’eau et d’électricité alors que le phénomène Hanabie monte sur scène.

Je ne me décourage pas, le pare-soleil de mon objectif se transformant en « pare-pluie ».  Et je ne regrette pas ma pugnacité, car voilà une performance hors-normes.  Les 4 Japonaises et leur « Harajuku-core » mêlant Metalcore, Punk Hardcore, Nu metal, Hip-hop et même Electro transcendent les genres et les cultures.

Comme on pouvait s’y attendre, l’imagerie kawaii est bien présente, ce qui déstabilise un peu les inconditionnels des sweats noirs informes aux logos illisibles.  Et bien, franchement, ça marche !  Mené par la charismatique chanteuse Yukina, le show est bien ficelé, la musique est riche et énergique, faisant fi de tous les codes musicaux auxquels nous sommes habitués.

Décrire vraiment la musique est quand même compliqué pour moi, entre rythmes hi-hop ou électro qui alternent avec des guitares enjouées ou lourdes, le seul point de référence qui me reste presque est le chant hurlé qui ne vacille à aucun moment, même si lui aussi a une petite touche kawaii inexplicable (j’ai l’impression d’être encore plus incompréhensible que d’habitude).

Bref, ça ne se décrit pas, ça se vit, et l’orage qui s’intensifie ne m’empêche pas de profiter de ce moment fort du fest !

Là, par contre, l’orage est à son paroxysme, et je me retrouve, comme mes comparses, bloquée sous les chapiteaux car mon appareil photo ne résisterait pas à autant de flotte.  Ça me fait rater la prestation du groupe suivant, Smash Hit Combo.  Les festivaliers par contre, ne semblent même pas réaliser les trombes d’eau qui s’abattent sur Montcul, à voir la foule « poncho-tisée » agglutinée devant la scène !  J’en déduis donc que le Rap Metal des Alsaciens en valait la peine, car ça déménageait bien dans la fosse.. .enfin, dans le marais à ce stade.

Il semble que l’orage décide de ne pas s’éterniser sur ces terres apocalyptiques, ce qui me permet enfin de sortir de l’ombre pour ne pas rater le prochain groupe qui se prépare sur le Terminal 1.  Avec un nom comme Ko Ko Mo, doit-on encore s’attendre à une frénésie nippone ?

Et bien non, pas du tout. Originaire de Nantes, il s’agit d’un duo explosif guitare-chant (Warren) et batterie-chœurs (Kevin ou K20), assez peu conventionnel. Et là, je me prends une belle claque en pleine face, ma meilleure découverte de la journée !

Très charismatiques, les comparses enflamment la scène avec une musique énergique qui puise ses racines dans le plus pur Rock des années 60s et 70s.

Avec des riffs hyper accrocheurs, quelques passages plus progressifs, et une rythmique contrastée qui ressuscitent  avec bonheur l’esprit fiévreux de ces années folles, mais avec une petite touche de modernité qui se fait sentir dans les sonorités de guitare et la dynamique des compositions.  Je sors de ce show complètement exaltée, me jurant de me plonger dans leur discographie dès que possible.

C’est reparti pour un saut spatio-culturel, cette fois du côté de la Grèce, plus précisément de la ville d’Ioannina.  Villagers of Ioannina City, c’est la combinaison du Stoner Rock psychédélique et de la musique folk traditionnelle grecque, où l’instrument prédominant les compositions est…la clarinette.

Cela donne à leur musique une couleur déroutante mais particulièrement intéressante, la base rythmique pesante du Stoner s’alliant à l’aspect aérien de l’instrument à vent.

Cela crée un ensemble enivrant, où la dimension progressive n’est pas abandonnée, avec des lignes mélodiques gracieuses et un duo basse/batterie hypnotisant.  De quoi voyager dans les sphères célestes tout en gardant les pieds dans la boue qui s’est accumulée sur le site.

On remonte un peu vers le Nord cette fois, pour accueillir un des groupes que j’attendais avec impatience.  C’est loin d’être la première fois que je vois Eluveitie en live, dans la mesure où je les suis depuis leur premier album, Spirit, sorti en 2006, mais je ne m’en lasse jamais !

Ce groupe de Folk Metal suisse m’a toujours subjuguée par la diversité des sonorités due à la présence de différents instruments traditionnels celtiques ou médiévaux, assez classique dans ce genre, qui portent les compositions. Et puis, il faut le dire, la base musicale est quand même très teintée Death mélodique, ce qui me parle tout particulièrement.

Ça donne lieu à différentes strates sonores harmonieusement imbriquées amenant jusqu’à l’extase.  Chrigel Glanzmann, fondateur et leader incontesté, manie la mandoline aussi bien que le growl, sans étouffer les guitares et le violon qui s’immisce avec puissance et subtilité dans les riffs accrocheurs.  Quant à Fabienne, que ce soit à la harpe ou au chant, elle irradie littéralement sur scène.

Bref, j’ai replongé avec bonheur dans l’univers de Slania, leur album phare, mais aussi de Helvetios et Ategnatos.  J’exulte quoi !

La prestation suivante peut être qualifiée de challenge.  Enfin, je parle en tant que photographe, parce que j’ai fini par me faire une raison, les membres de Celeste sont impossibles à capturer correctement.

Les Lyonnais prennent un malin plaisir à se cacher dans le noir avec juste une lampe frontale, histoire quand même de voir les cordes de guitare et les cymbales, ça peut être utile par moment.  Ça donne donc une scénographie…de lucioles rouges dans la fumée.  Bon, j’arrête là mes tergiversations de frustrée pour me concentrer sur l’aspect musical.

Leur post-Hardcore ne se cantonne pas aux classiques du genre, et l’atmosphère funèbre et dissonante du Black transparaît immédiatement.  On retrouve aussi la rythmique lancinante du Sludge au milieu de passages plus agressifs voire saccadés.

Le tout sonne profondément froid et lugubre même si certaines mélodies plus aériennes apportent une forme de légèreté apaisante à l’ensemble.  Dans ce type de compositions, le chant en français s’intègre sans la moindre difficulté et accentue même la noirceur qui s’en dégage.

Nous voilà arrivé au dernier virage avant l’atterrissage final, avec Rise Of The Northstar.

Le Japon est finalement venu nous montrer quelques dernières facettes de sa culture, car c’est elle qui inspire principalement les Parisiens et leur Metalcore très personnel.  Leur nom fait d’ailleurs référence au titre américain du manga Ken le Survivant (ça ne nous rajeunit pas). Difficile d’y échapper de toute façon, au vu des lanternes en papiers et les cerisiers du Japon qui ont envahi la scène.

Quant à leurs compositions, elle mise fortement sur le groove, avec une texture Hip-hop assez prononcée. Les lignes de basse sont lourdes et les guitares incisives.  Le show transpire l’énergie du Thrash.

Pas de doute, ROTN, pour les intimes, a encore retourné le pit avec conviction et efficacité.  Alors, même si les accents Hip-Hop dans le Métal ont tendance à me créer quelques frissons d’effroi, je ne peux qu’admettre encore une fois que le groupe mérite amplement son ascension fulgurante de ces dernières années.

Cette fois, le tarmac est en ébullition, notre aviateur s’est écrasé avec fracas sur la citadelle, afin de permettre à son dernier monstre-zombie de ressusciter des cendres encore fumantes. Le sacrifice n’aura pas été vain, car ce qu’il a engendré, c’est Horskh.

Encore un OVNI, et un des groupes que j’attendais fébrilement depuis le début.  Il s’agit en effet d’un des très rares groupes à avoir réussi à me réconcilier avec l’Electro.  La combinaison du Métal, de l’Electro et de l’EBM est, chez eux, un modèle d’harmonisation et de conception si géniale que même une réfractaire telle que moi entre en transe avant même d’avoir pu boire une gorgée de pinte.

Leur prestation explosive allie magistralement  des alternances de riffs saccadés, des passages plus sombres et mystérieux, et des vagues de saturation bestiale ! Des breaks inquiétants, des envolées vocales qui se transforment en chuchotements inquiétants avant de repartir dans une violence qui n’épargne aucune nuque.

La batterie hypnotique qui se combine aux machines infernales dans une transe démoniaque parachève ce tableau extatique. Les Bisontins ont encore tenu leur promesse de nous délivrer une performance phénoménale pour clôturer en beauté cette 7ème édition du Plane’R fest !

Encore une fois, j’ai l’impression que ces 2 jours sont passés à la vitesse d’un F16.  J’erre hagarde au milieu des festivaliers qui prennent le chemin de la sortie, à la recherche de mes potes à saluer avant de retourner au camping voir si j’ai eu la bonne idée d’amener un kit de réparation de cervicales dans ma valise.   Quelques heures de repos et je pourrai rentrer chez moi, à moitié euphorique, à moitié déprimée que le vol acrobatique funeste soit déjà terminé.

Le mot de la fin

Avec 5500 âmes errantes sur la plaine (500 de plus que l’année passée), cette édition a répondu à toutes les attentes, malgré une météo capricieuse. Une programmation éclectique permettant toujours de belles découvertes, un site bien agencé, une équipe de bénévoles efficace, un son au top, un camping agréable offrant toutes les commodités d’usage sans files excessives, font du Plane’R fest un de mes moments phares de la période estivale.  Cette année encore, je n’ai pas été déçue, et si je dois mettre en exergue un point faible, ce sera le même qu’en 2023 : l’aspect restauration qui gagnerait à se diversifier, et permettrait par exemple d’offrir une visibilité à des acteurs locaux et produits régionaux.  Quoi qu’il en soit, merci encore à l’orga pour ce moment de haute voltige, en vous souhaitant autant de succès pour l’année prochaine !