Report par Sabrina M. Lozen – Photography / extrait vidéo kermhit
Jour 3 – 11/08/2024
Un festival en pleine canicule quand tu dors en camping, c’est non seulement l’impossibilité de dormir avant que les fêtards ne s’écroulent dans un coma presque éthylique à l’aube , mais c’est aussi le soleil qui transforme la tente en sauna avant même le chant du coq. On va vite atteindre les 40°C annoncés pour aujourd’hui. Ce matin, ce sera donc 3 Monsters en plus des viennoiseries industrielles. Je mentionne au passage qu’il y a l’épicerie du village à quelques centaines de mètres du camping, avec un petit rayon « spécial festivaliers » contenant le nécessaire pour survivre en ces temps cataclysmiques. Ouverte ce dimanche matin et tenue par des gens hyper accueillants, on n’en demandait pas plus.
Mais revenons à nos moutons, enfin, nos boucs plutôt. Cette dernière journée risque bien de nous réserver encore quelques rebondissements. Tout d’abord avec Pitfloor qui est venu de Seine-et-Marne pour réveiller nos esprits endoloris avec leur Hardcore assez crossover.
Avec un chant tantôt hurlé tantôt rappé, et une musique bien brutale qui n’use de mélodies qu’à petite dose, difficile de s’y tromper, c’est direct et efficace.
Le moment où le groupe fait monter le public sur scène est vite stoppé par la sécu qui ne compte pas devoir gérer des estropiés dès 14h, mais le chanteur n’en restera pas là, et retrouvera son public…dans le pit.
C’est ce qui s’appelle aimer être au cœur de l’action.
Il est 15h, et Artery vient nous apporter une touche de fraîcheur bien méritée…Ha tiens, non en fait.
Les Charentais nous assène effectivement un Thrash accrocheur de prime abord, mais qui tabasse aussi bien comme il faut.
Avec un marteau-piqueur en guise de batterie, une rythmique rentre-dedans, mais aussi des mélodies inspirées sans être incompréhensibles, la recette est infaillible.
Quelques incursions de passages plus death, et des sonorités de guitares carrément heavy plus tard, on se sent déjà bien plus aptes à en découdre avec ceux qui serinent que le Hellfest/Gojira/UltraVomit est le meilleur festival/groupe/trucmuche du monde (biffer les mentions inutiles).
On ne va pas s’arrêter en si bon chemin, si ? L’ombre de la déshydratation planant toujours sur nos crânes chauffés à blanc, rien de tel qu’un bon Heavy pour provoquer le court-circuit fatidique. Wildfire a bien compris leur rôle dans l’histoire et ils le prennent à cœur.
Dans les pas des maîtres du genre, le combo crache des riffs bien énervés, des soli percutants, et un chant hargneux.
Une petite chorégraphie de gratteux plus tard, les morceaux s’enchaînent avec toujours la même énergie enjouée.
Les mini-aliens rouge et vert (ce n’est pas une métaphore, regardez les photos) s’accrochent tant bien que mal au manche pour ne pas se retrouver propulsés dans une fosse qui commence à s’électriser dangereusement, et les guitares s’emballent dans un martèlement de fûts qui ne relâche la pression qu’à la fin du set. Bref, c’est pas avec eux qu’on va devenir yogi !
On ne nous épargne rien aujourd’hui, et c’est la bande de Stef Buriez (Loudblast) et Alex Colin-Toquaine (Agressor) qui viennent ensuite embraser la scène avec leur covers des groupes emblématiques du Thrash. D’où le nom du groupe, T.T.T. (Tribute to Thrash).
Les compères étant des pionniers du genre, ils n’ont absolument aucun mal à aiguillonner la foule qui headbange avec allégresse sur Slayer (Black Magic), Destruction (Mad Butcher) ou Kreator (Flag of Hate), créant au passage quelques vagues de slams enthousiastes.
Rien à dire, ça fait toujours plaisir de redécouvrir tous ces morceaux, et apparemment Stef, Alex, Fabien et Niklaus s’en donnent autant à cœur joie de les jouer !
Changement de programmation à ce stade, avec Spiritworld qui est remplacé par Novelists.
On passe donc du Thrash Hardcore au Metalcore moderne. Ça sonne en effet aussi bien progressif par moment, avec des lignes de guitare dont la technicité est évidente, que hardcore à d’autres, avec un chant clair ou hurlé selon les envies.
La chanteuse occupe bien l’espace, les musiciens sont enjoués, la musique déferle avec puissance, alternant passages lourds et brutaux avec des passages plus aériens et somptueux. Les Parisiens s’inscrivent donc dans une musique qui plaît sans conteste aux plus jeunes, avec des structures standardisées mais variées.
Quant aux plus anciens dont je fais partie, les compositions pourraient paraître un peu aseptisées, il manquerait ce petit quelque chose de crasse et de barré qui animait les formations des années 80s-90s, à l’époque où l’analogique régissait encore les productions musicales. Il en faut pour tous les goûts, heureusement.
On continue ensuite dans la même veine, avec le Metalcore moderne des Lyonnais de Resolve.
La particularité des compos du groupe, c’est le mélange d’atmosphères violentes, qui s’imprègnent de teintes death, et calmes, presque caressantes.
Et si ça cogne sans répit sur certains morceaux, le chant clair accompagne parfois des passages plus lumineux et entraînants.
Avec des changements de tempos récurrents, le set fait varier les plaisirs, offrant à l’auditoire une palette d’ambiances tourbillonnant entre clarté et obscurité. Entre Deathcore et Pop, pourquoi choisir ? On peut créer des riffs bien lourds tout en planant à 1000 pieds !
Une petite pause s’impose, avec une prestation qui semble être devenue une tradition du festival : un show des agents de la sécu sur une musique décalée, cette fois sur « Take on Me ». On n’a pas eu droit au strip-tease intégral mais il s’en est fallut de peu. Un bon moment de fanfaronnade qui permet de s’alléger avant la dernière ligne droite du festival !
Parce que là, on rentre dans le vraiment lourd. Quand Dani et sa bande entre en scène, ce n’est pas vraiment pour nous offrir un répertoire de bal musette, ou alors Papi Jean-Claude (encore lui) a trop forcé sur certaines substances. Ça fait plus de 30 ans que Cradle of Filth délivre ses shows théâtraux à travers le monde, et ils ne semblent pas prêts de se calmer.
Pour éviter d’alimenter la polémique habituelle autour de leur style, je me contenterai de les qualifier de chantres du Métal extrême, na ! Oui, c’est symphonique, le chant et le clavier de Zoë nous le prouve.
Oui, ça sonne Thrash par moment (haaaa, l’album Nymphétamine dont le morceau éponyme fait d’ailleurs partie de leur setlist ce soir), ou Black, voire horrifique, en fait on s’en fout finalement.
Les compositions sont riches et cohérentes, bien construites, et toujours portées par la voix suraiguë caractéristique de Dani, qui assène toujours son air boxing avec fougue. Avec un piochage assez large dans leur discographie, de Dusk and Her Embrace à She is a Fire, même si la majorité des 10 titres sont plutôt issus de leurs 10 premières années de carrière.
Nous voilà arrivé à un autre temps fort du week-end avec l’arrivée de Testament.
Initialement prévu sur la Bad Motherfucker stage comme les autres têtes d’affiche, à 22h45, ils passent finalement à 21h30 sur la Hateful stage. Et même si ce changement a visiblement été décidé à la dernière minute par le groupe, tout s’est fait sans accro, et le Thrash des Américains s’abat avec fracas sur un public qui compte bien en découdre au rythme du rouleau compresseur de riffs et des déferlantes de mélodies, mais hargneuses à souhait.
Les slams virevoltent, les nuques ploient avec grâce, et le set ravage le pit sans pitié.
Il faut dire qu’ils nous ont concocté un petit retour aux sources ce soir, car sur les 12 morceaux, 4 font partie de leur premier album, The Legacy (1987, bon sang, on prend un coup de vieux là), à savoir Over the wall, COTLOD, Do or die et The haunting. Mais 6 autres viennent de The New Order, leur second album de 1988 ! Bref, une bonne occasion pour réveiller la nostalgie d’un « temps que les moins de 20 ans (enfin, plutôt 40 ans ici) ne peuvent pas connaître », sinon grâce à ces lives « revival » jouissifs !
Ça commence à sentir la fin, et pendant que les températures redescendent à des niveaux supportables, l’avant dernier groupe monte sur scène. Slope nous vient d’Allemagne, et le moins qu’on puisse dire, c’est que les Teutons ne cadrent avec aucun genre traditionnel du Métal.
Parce que ça groove sévère avec leur Hardcore, que les guitares prennent un malin plaisir à sonner Funk, et que le tempo se modifie sans crier gare tout au long du set.
De quoi créer une combinaison détonante et parfois un peu déstabilisante pour mon esprit quelque peu ralenti par ce week-end intensif.
Et si les guitares se font par moment quand même très excitées, nous ramenant dans les fondamentaux « cores », l’ambiance générale est plutôt légère, presque enjouée. Une version Red Hot Chili Peppers plus moderne et un chouia plus agressive. Un style auquel je reste un peu hermétique mais qui a indéniablement de la gueule.
Allez, on termine les festivités avec LE groupe capable de transformer un cimetière en bataille chaotique entre mort-vivants. Parce que LocoMuerte, ce n’est pas que de l’énergie totalement démentielle et un show survitaminé avec des musiciens perfusés au Red-bull.
C’est aussi un mélange de Punk et Thrash version latino dont seuls eux connaissent la recette. D’ailleurs, ils qualifient leur son de Chicano Mosh !
Pas la peine de tenter de comprendre ce qui se cache là-derrière, il suffit d’aller dans le pit lors d’un de leurs concerts. Objectif : survivre plus de 5 minutes sans perdre une dent, se casser le nez ou se prendre une commotion. Les Parisiens sont bien là pour s’éclater, et éclater le public aussi par la même occasion.
La musique complètement débridée déferle sans le moindre répit, assénant riffs effrénés, suppléés par des vociférations déchaînées, en Espagnol bien sûr ! On ne pouvait rêver mieux pour terminer en beauté. Et après le désormais traditionnel moment de slams sur crocodiles gonflables que le groupe nous offre à chaque fin de set (ne cherchez pas, c’est juste pour le fun), le public peut repartir enchanté, le sourire béat et l’œil hagard, pas encore vraiment prêt à reprendre une vie socialement acceptable.
Même si la déprime post-fest se profilera rapidement à l’horizon, je profite du dernier after de ces 3 jours, avec un Macumba au VIP. Je n’ai aucune envie de rentrer mais vu les 4h30 de route qui m’attendent demain, je rassemble le peu de raison qui me reste pour aller dormir quelques heures dans un camping désormais rempli de zombies amorphes.
Le mot de la fin
On m’avait vanté le Festival 666, donc il me tardait de tenter l’expérience. Et bien, je n’ai qu’une seule chose à écrire : sa réputation n’est pas surfaite ! Pour un évènement encore très jeune, il a déjà tout d’un grand. L’orga a assuré de A à Z malgré quelques imprévus indépendants de leur volonté, le site est agréable et très bien aménagé, avec une large variété au niveau restauration et quelques sympathiques décorations, comme cet arbre métallique qui s’éclaire la nuit (tiens, ça me rappelle quelque chose). Les points d’ombre ne font pas défaut, ce qui était quasiment l’aspect le plus stratégique en ce week-end caniculaire. Aucun problème majeur de son à déplorer non plus. Et enfin et surtout, une équipe de bénévoles incroyable, efficace et agréable ! Des agents de la Sécu absolument adorables et à l’écoute des festivaliers…et des photographes, ce qui mérite d’être souligné. Enfin, une programmation éclectique qui donne le micro autant à des groupes locaux qu’à des pointures internationales.
Au niveau points à améliorer que j’ai pu noter, il n’y en a qu’un seul qui me semble important, surtout avec une météo comme celle de ces 3 jours : ajouter des points d’eau sur le site, de manière à parer aux déshydratations et insolations potentielles. Les bouteilles d’eau payantes par une telle canicule, ce n’était pas une stratégie appropriée. Autre point à mentionner : les ballots de paille dans lesquels sont insérés des cônes de chantier pour servir d’urinoir, ce n’est pas une mauvaise idée en soi. Mais à nouveau, par cette chaleur, ça créé des relents vraiment très nauséabonds qui peuvent faire vomir les estomacs les plus sensibles.
Dans tous les cas, bravo à Victor et à toute l’équipe pour ces 3 jours qui resteront sans aucun doute mes plus mémorables de cet été ! On a hâte de voir ce que vous nous préparez pour l’année prochaine.