Report par Sabrina M. Lozen – Photography / extrait vidéo kermhit
Deuxième journée
Vendredi 19/08
Un deuxième jour lourd, sombre, et furieux, se prépare, il va falloir assurer et rester concentrée pour bien s’immerger dans la variété de styles proposés aujourd’hui.
Et ça commence directement fort avec les Bordelais de Gorod.
C’est du Death technique , c’est du lourd, mais tout en finesse. Ici, pas de surdosage de technicité sans âme, les constructions sont claires, les mélodies sont nuancées, la rythmique est puissante. OK, il est encore un peu tôt pour headbanger sur les riffs subtils et colorés, mais ça réveille déjà bien le public encore un peu endolori de la nuit (blanche ?). Alors, même si je reste une inconditionnelle des sonorités et compositions des groupes nordiques, le groupe me réconcilie avec le métal technique à la française. Je sens que la journée va être bonne.
Je ne pouvais pas faire l’impasse sur un groupe de mes anciens compatriotes, à savoir les Belges de Psychonauts.
Bon, pour ceux qui cherchent de l’aérien et à se remettre l’estomac à l’endroit, il vaut peut-être mieux tenter l’autre scène. On a beau être sur du post-rock d’influence psychédélique, avec des influences très 70s, c’est plutôt du Pink Floyd qui a mangé un pavé…enfin une brique !
C’est lourd, angoissant, à la limite de la schizophrénie. Ce n’est d’ailleurs pas sans rappeler Amenra, originaire aussi du plat pays. Serait-ce l’influence de la météo, aussi clémente là-bas que sur les terres bretonnes, qui inspire ainsi ces groupes flamands ? Trêve de plaisanteries, ce savant mélange musical est séduisant, et valait le détour.
Heureusement que je suis en mode écrit et non oral, car j’aurais été peu crédible à ne pas pouvoir prononcer le nom du prochain groupe, Hrafngrimr.
Là, au moins, j’ai juste dû m’appliquer à ne pas mélanger les consonnes. C’est bien du Pagan, genre propre aux noms tarabiscotés qui apportent la touche exotique indispensable. Et pourtant, le groupe ne descend pas d’une taïga obscure balayée par les vents du nord, mais bien de l’hexagone !
Avec des instruments traditionnels et des textes inspirés des mythes scandinaves notamment, la performance répond bien aux standards du genre. Des percussions oppressantes, des paroles en langue ancienne, tout ce qu’il faut pour nous faire voyager. A mon sens, l’intérêt principal vient de la complémentarité entre chant masculin et féminin qui apporte une texture plus riche à l’ensemble.
J’ai regretté néanmoins la scénographie lumineuse sommaire, peu propice à transcender l’ambiance du show comme il se doit.
Sur ma lancée, je continue dans un autre registre mais issu de la même région de Metz, avec Deluge. Un seule mot me vient à l’esprit : puissance !
A priori, la base est black mais il y a une consonance plus moderne que je n’arrive pas à définir d’emblée. Après vérification, on les qualifie également de post-hardcore.
Ce genre de combinaison est difficile à imaginer si on ne les a pas écouté, mais pour ma part, je me suis bien laissée portée par le style. La combinaison basse-batterie bien suffocante soulignée par un son de guitare aiguisé et un chant qui aligne le tout fait de ce groupe une de mes meilleures découvertes pour le moment. Et je ne suis pas la seule à être conquise, au vu de la foule impressionnante présente à la Supositor stage en milieu d’après-midi !
Histoire de rester dans le thème général de la journée que je me suis concocté, je m’envole ensuite pour le Togo (enfin, en vrai, pour la scène juste à côté, mais ça fait moins rêver) avec Arka’N Asrafokor.
Il n’y a vraiment rien à redire pour ce groupe quand on aime explorer des genres de métal qui sortent des sentiers battus. Avec un set mélangeant allégrement les dimensions thrash, heavy ou death, le groove envahit le chapiteau !
Chaque composition étant agrémentée de fortes influences africaines parfaitement intégrées, je ne peux que m’extasier. Si on rajoute à cela les tenues et peintures tribales qui font la joie de photographes comme moi, la seule conclusion possible est que c’était juste parfait !
J’ai hâte de pouvoir découvrir leur discographie une fois de retour dans mes pénates.
Histoire de prendre une dose de calme avant la tempête qui va suivre, je fais une halte pour voir Hypno5e.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils portent bien leur nom. Difficile d’identifier précisément le style de ces musiciens originaires de Montpellier.
Le qualificatif de métal expérimental me paraît adéquat, avec une musique et une ambiance lumineuse intimiste complètement transcendantes, des compositions complexes et poétiques, bref, de quoi nous faire planer. Un univers à creuser pour ceux qui aiment la musique riche au niveau harmonique et rythmique avec des textures sonores atypiques.
La pluie se met à tomber, et pas de chance, mon prochain groupe est sur la scène principale non couverte. Mais qu’à cela ne tienne, pas question de rater Insomnium !
Je l’ai dit, je suis une fan inconditionnelle du métal nordique, et ils font partie des références du Mélodeath finlandais. Je peux même dire que j’ai découvert ce genre avec eux.
Très proches de l’école de Göteborg, mais avec une dimension doom qui apparaît dès le début dans leur discographie, les Finlandais nous ont fait un set à la hauteur des attentes, avec des compos carrées et de l’énergie à revendre. Ça m’a réconcilié avec le groupe suite à l’énorme déception de leur dernière performance au Hellfest, qui m’avait paru peu engagée. Là, ils ont tout donné, c’est le pieds !
Le thrash métal américain est de retour, avec Vio-lence. Pas à dire, même si le genre a été sur-exploité, ça mène toujours à un monstrueux chaos furieux en live !
Avec un chanteur vénère qui te regarde comme si tu venais de sortir la pire ineptie de ta vie, des guitariste possédés, et une interaction avec le public présente tout le long du concert, la recette fonctionne.
Même si on ne part pas dans l’idée d’être surpris outre mesure, c’est le genre de performance qui nous fait passer un très bon moment, et les membres du groupe visiblement aussi. Que demander le plus ?
Ha ben si, on peut demander plus, puisque ce sont les monstres du Death qui montent sur la Dave Mustage. Pas la peine de les présenter, tout le monde connaît (ou devrait connaître) Carcass. Et ils ont, de surcroît, le bon goût de commencer leur set avec les notes légendaires de l’intro de « 1985 ».
Là, je pense qu’on atteint l’apothéose. Le son est énorme, le show est carré, les riffs sont efficaces, le tout mené par des gars aguerris qui maîtrisent le live à la perfection.
On va me dire que je ne suis pas objective vu que j’adore ce groupe, mais ce n’est pas grave, j’ai fini avec un sourire jusqu’aux oreilles et des étincelles dans les yeux, prête à faire une tête en forme de balai à chiottes à celui qui oserait me parler de subjectivité !
Pour continuer dans la même veine, mais en plus « sataniste », c’est au tour d’un des groupes fondateurs de la scène Death métal américaine d’envahir l’espace, j’ai nommé Deicide.
Comme on s’y attend, le quartet mené par son controversé bassiste-chanteur Glen Benton nous délivre un death brutal, sans concession, ne cherchant pas à attendrir son public par des mélopées oniriques.
C’est une bombe (figurée celle-là) qui explose les tympans, les croyances et les bonnes volontés. On n’est pas loin de l’Apocalypse paraît-il.
Bon, ce n’est pas tout ça mais la journée n’est pas finie. Je repars vers d’autres cieux plus à l’Est, direction la Mongolie avec Uuhai.
Et oui, même les steppes se sont fait envahir par le métal ! Une fois les problèmes de sons du début résolus (à voir la tête des instruments, l’équipe technique a dû en baver), on est dans le dépaysement le plus total, avec des instruments traditionnels indéfinissables qui offrent des sonorités harmonieusement élaborées, le tout accompagné de la texture rock de la batterie et de la basse.
On nage dans une atmosphère résolument mystique quand le chant de gorge traditionnel mongole du front-man possédé vient souligner l’ensemble. Encore une appropriation et une réinterprétation du métal réussie à mon sens !
On se rapproche de la fin, mais il reste encore Wardruna, un incontournable de cette édition.
Je ne sais pas si le groupe norvégien est plus connu pour son Folk ambient ou pour la particularité du fondateur de construire lui-même presque tous les instruments du groupe, sans compter les méthodes d’enregistrement basées sur le symbolisme runique.
Bref, le groupe n’interprète pas, il vit les rituels nordiques, et ça se ressent en live aussi ! Avec des voix lancinantes qu’on pourrait croire sorties d’outre-tombe et une ambiance lumineuse portant les musiciens en ombre chinoise sur le fond, je ne suis plus très sûre qu’on soit encore sur Midgard.
Allez, on revient à la raison pour le prochain show. Enfin, c’est une façon de parler avec Marduk.
Un bon vieux Black métal suédois pour terminer cette journée, ça se déguste. Quoique, le charme est un peu rompu à cause d’un son hasardeux. Oui, évidemment, le but n’est pas d’avoir un son léché version simulateur l’ampli, mais là, ça fait « trop » brouillon, on s’y perd vraiment.
A côté de ça, on a une formation qui interagit avec le public, ce qui mérite d’être souligné dans ce genre, et une ambiance sonore qui reste profonde, haineuse, voire carrément morbide, donc on est content quand même.
J’ai failli m’arrêter là mais un dernier sursaut de motivation m’a emmené voir l’une des deux dernières performances de la soirée, Brieg Guerveno.
Ne connaissant pas ce groupe, je n’ai pas eu besoin de me renseigner sur son origine, au vu de la forêt de drapeaux bretons (distribués par le Région Bretagne, évidemment) qui a envahi le pit !
J’aurais pu chercher des Auvergnats comme moi, perdus dans la marée, mais rien ne dit qu’ils n’aient pas été expulsés hors du cercle des initiés. Pour le reste, le chanteur nous annonce une musique mélancolique, parfaitement adaptée à cette fin de journée riche en émotions. Aidé de 2 contrebasses et d’un clavier, notre interprète chante en breton des compositions folk sombres à la limite de la dépression qui laisse transparaître une sensibilité non feinte, propre à faire verser quelques larmes.
C’est beau, profond, et torturé. Ainsi se finit le Jour 2 du Motocultor, cuvée 2023. Il ne reste plus qu’à aller dormir du sommeil du juste, histoire d’être en forme pour la suite des festivités.