Report par Sabrina M. Lozen – Photography / extrait vidéo kermhit
Dimanche 21/08
Ce matin, je combine le café au red-bull, je ne tiens pas à tomber avant la fin de cette dernière ligne droite. Et au vu de la programmation, le capteur de l’appareil photo et mes oreilles risquent encore de surchauffer. Ça promet !
On va quand même démarrer calmement, peut-être un peu trop d’ailleurs. C’est le groupe parisien de Deliverance qui ouvre le bal sur la Dave Mustage à 11h45.
Leur Black sludge ne manque pas d’attrait, avec un rythme lourd et traînant. Les notes sont sombres, la batterie écrase tout de manière oppressante. La texture du clavier plus saturé amène une dimension supplémentaire qui donne du corps à l’ensemble.
Par contre, ce genre de prestation n’est pas l’idéal pour se réveiller le dernier jour du festival, et l’atmosphère d’un chapiteau me paraît plus adaptée à transcender ce style musical. Bon, je chipote, je sais…
Ce matin au petit-dej, un de mes potes photographes m’a dit « c’est pour Gaerea que je suis principalement venu au Motoc ! ». Une telle ferveur m’intrigue et pique ma curiosité, donc j’attends la performance du groupe portugais avec impatience. Après quelques minutes, je comprends mieux l’enthousiasme autour du phénomène.
Un Black métal aussi mystérieux que le visage des musiciens camouflés derrières des cagoules décorées de symboles obscurs. Obscurs comme leurs compositions noires et profondes, nuancées de touches presque éthérées. On ajoute à cela une rythmique lourde qui plombe l’ensemble pour nous faire plonger dans un inconscient angoissant, et opaque.
Et pour couronner le tout, le chanteur, à défaut d’expressivité faciale quelque peu compromise par le masque, nous gratifie d’une gestuelle gracieuse, presque sensuelle, qui contraste plutôt avec les codes du genre. J’adore ! Encore un groupe qu’il va me falloir approfondir dès que possible.
A ce stade, il me manque un bon gros thrash pour me réveiller, et l’opportunité d’y remédier se présente enfin, avec Heart Attack. Les Cannois ont bien compris qu’on compte sur eux pour nous booster pour la journée, et il y prennent la tâche à cœur et à tripes.
Une bonne rythmique agressive, avec des soli à l’ancienne entrecoupés de riffs nerveux. Néanmoins, les compos sortent du schéma classique par moment, avec des ambiances plus oppressantes, ou des mélodies sombres et froides presque black, ce qui leur donnent de la personnalité sans enlever à l’énergie du live.
Je reste quand même plus inspirée par l’agressivité joyeuse du Thrash espagnol, mais c’est un groupe efficace qui donne du fil à retordre aux cervicales, c’est ce qu’on voulait de toute façon !
Une petite touche féminine ne serait pas de refus après cette déferlante de testostérones matinale, c’est la raison pour laquelle je délaisse Nostromo pour découvrir Orpheum Black qui joue sur la Massey Ferguscène.
Voici un petit plongeon salvateur dans du rock alternatif histoire de se dépoussiérer les oreilles. L’ambiance est carrément atmosphérique, mais rien de sombre ici. C’est aérien, doux, transcendant, comme un papillon qui aurait enfilé un blouson de cuir. Ben oui, c’est du rock quand même hein ! Le duo chant masculin et féminin est bien adapté à l’atmosphère, se complémentant de manière harmonieuse. La chanteuse a une présence indéniable, même derrière son clavier qui brandit fièrement le revendicateur « More women on stage ».
On dirait presque qu’elle nous conte une histoire, captivant son public avec poigne et douceur. Enfin, le guitariste en transe, perdu entre live et studio, complète le tableau délicatement. On n’est pas bien là ?
Il ne faudrait quand même pas baisser la garde, il y a encore pas mal de surprises qui nous attendent. Et justement, il y a Rise of the Northstar qui arrive sur la scène principale. L’inspiration nippone très présente dans le groupe ne peut pas se louper avec les tenues vestimentaires des membres.
Un peu comme s’ils étaient tout droit sortis d’un manga, ils déversent une puissance de feu dévastatrice en moins de temps qu’il ne faut pour boire une gorgée de bière. Ça groove, ça dégomme tout, ça frôle allègrement le hip-hop aussi. Bref, c’est un Métalcore tueur dans un gant d’acier.
Même si ce n’est pas trop mon genre de prédilection en général, je reconnais que leur compositions sont bien ficelées, et le style très personnel.
Après toutes ces pérégrinations à travers la France, je ne suis pas fâchée de revoir un peu le Nord (non, pas la Normandie, plus haut !) en allant m’imprégner de l’esprit de Soen.
Ce sont des compatriotes de Marduk et Watain, mais on n’est clairement pas dans le même registre. Ils font dans le métal progressif, mais si vous vous attendez à une technicité à la Dream Theater, vous vous fourrez le doigt dans l’œil.
Pour eux, c’est plutôt le feeling qui prime, le tout en mid-tempo. Ici, pas d’envolées grandioses, ou de descentes abruptes, de contre-temps ou d’harmoniques complexes. Tout doit être dans le ressenti. Ce sont les shreddeurs qui doivent s’arracher les cheveux !
En ce qui me concerne, je me lasse vite durant la prestation, ça manque un peu de variété à mon goût.
On se rapproche tout doucement de la fin, mais je ne vais pas me laisser aller à déprimer, car les groupes à venir promettent encore de beaux délires. D’ailleurs, les ricains n’ont pas dit leur dernier mot car ils nous ont envoyé Mondo Generator pour nous motiver.
Ils nous ramènent dans le passé avec un Hard rock accrocheur, avec des touches d’expérimentation plus modernes appropriées. Les riffs et les soli sont structurés, les compos sont dynamiques.
N’y décèlerais-je pas même un peu de l’esprit du Power ? OK, je commence à récupérer mes tympans, mes neurones, et ma raison, à la petite cuillère, et je ne dois plus être très pertinente dans mes déductions. Mais quand même, c’est bien motivant tout ça, ça rassérène les cerveaux embrumés !
Place ensuite à Biohazard, pour ne pas perdre l’élan retrouvé.
Et ce n’est pas rien, le running order nous annonce qu’on va avoir à faire avec le line-up original de ces pioniers du Hardcore. Alors, voyons ce que ça donne…Je vais peut-être me prendre une volée de pintes tièdes dans la face, mais, encore cette fois, ça ne prend pas. Je vous assure que je persévère pourtant, je suis déjà allée les voir de nombreuses fois depuis le début des années 2000, mais je m’endors à chaque fois.
Mon attention n’arrive à s’accrocher à rien, hormis aux tatouages du chanteur. Peut-être suis-je un cas d’hermétisme incurable à leur musique ?
Le groupe suivant, je les ai déjà vu aussi de nombreuses fois, mais là, je plane littéralement. Avatar, c’est un show, c’est un faciès, ce sont des clips majestueux et incomparables (il faudrait que j’arrive à chopper les coordonnées de leur directeur de la photo d’ailleurs) !
Quand Johannes Eckerström, aka le Clown, sort de sa grosse boîte jaune, un ballon rouge à la main, pour entamer un magistral The Eagle Has landed, on sait qu’on va décoller !
Cette fois, plus de problème de son comme au Hellfest 2022, et le set peut ravir les fans venus en masse, grimés comme il se doit.
Le Death mélo déjanté de nos suédois costumés fait effet, on rit, on s’enthousiasme, on profite de chaque arrêt grimaçant du chanteur. Bref, on s’amuse comme des clowns !
C’est l’avant dernier show qui va commencer, et je sens déjà que ça va être la galère au niveau des photos. Abbath en concert, c’est méchant, c’est noir (et blanc), et c’est fumigèneux.
Disons qu’il faut chercher la superstar dans les ténèbres enfumées de la scène, en se focalisant sur le maquillage. Mais le Black métal accrocheur de notre ex-Immortal fait son effet, c’est le principal.
Il assure dans son genre avec ses musiciens. C’est peut-être un peu trop stéréotypé à mon goût, même. De cette scène norvégienne, je continue à préférer Emperor et Immortal, plus subtils dans leur accroche malsaine à mon sens.
Enfin, ce sont 3 gigantesques canards gonflables (non, je n’ai rien bu d’alcoolisé de la journée !) qui accueillent la foule sur la Dave Mustage pour la clôture du festival. C’est encore un coup d’Alestorm ça !
Ça fait un certain temps que les Écossais ont troqué leurs tricornes contre des casquettes et des vêtements un peu aléatoires, allant du kilt au sweat à capuche, mais la tempête de bière continue par contre de se transformer en tempête de slams pendant tout le set.
Bref, du pur Folk anarchiste digne de ce nom, enfin du Power je veux dire, ou du Pirate métal pour ceux qui veulent couper la bouteille de rhum en 4.
Le Motocultor se termine dans la joie et la bonne humeur, on s’étreint, on s’enlace, et les gars de la sécu partent même en slams à la fin, bref, tout fout le camp ! Ceci dit, je n’ai toujours pas compris la raison de ces foutus canards ?!?!? Si quelqu’un peut m’expliquer, je suis preneuse.
Cette fois, c’est vraiment fini. On repart un peu déboussolé, conscients qu’il va falloir bientôt atterrir et reprendre le cours de nos vies sans slams, walls of death, et mosh pits. Mais comme j’aime bien finir sur une note optimiste, le quotidien sera aussi sans 86, comme quoi tout n’est pas noir dans le pire des mondes !
Le mot de la fin
Ce report se focalise principalement sur mon expérience musicale du fest, mettant volontairement de côté l’aspect « expérience de festivaliers », logistiques ou organisationnels qui ont été ou seront traités bien mieux que moi par d’autres. Globalement, l’affiche éclectique promettait aussi bien de faire des découvertes positives ou négatives que de profiter de nos groupes préférés. Dans mon cas, le pari est réussi. Je souligne également que j’ai expérimenté proportionnellement très peu de problèmes de son sur les concerts, par rapport à certains autres gros festivals. Évidemment, je n’ai pas pu faire tous les concerts, et certains me contrediront peut-être. En tout cas, de mon côté, je félicite l’équipe technique pour leur travail bien géré.
Je terminerai avec une réflexion. L’orga a annoncé à la fin du festival qu’il n’y aurait plus de pass 3 jours l’année prochaine, uniquement des pass 4 jours. Je m’interroge sur la pertinence de cette stratégie. La formule « premier jour plus orienté Rock/musiques alternatives, puis 3 jours plus orientés Métal (pour simplifier) », associée aux 2 types de pass correspondants, permettait aux allergiques de l’un ou l’autre de ne se focaliser que sur ce qui leur plaisait. Avec la nouvelle vision, les festivaliers risquent d’être pris en otage, avec toute la dynamique mercantile qui se développe malheureusement dans tous les aspects événementiels. A moins que cette stratégie n’ait l’effet de faire tourner les talons d’une partie (négligeable ou non, difficile à déterminer) du public. A moins que le Motoc ne choisisse d’uniformiser la programmation des 4 jours, je ne sais pas. Autre aspect non négligeable, la formule 4 jours va obliger à prendre 1 jour de congé supplémentaire pour ceux qui se contentaient de 3 jours jusqu’à présent, ce qui risque de coincer pour certains, voire beaucoup. Alors, peut-on envisager de proposer un pass 4 jours et un pass 2 jours, comme demandé par les festivaliers ? Pas certain que ce genre de proposition réponde aux objectifs économiques du fest, mais au moins, ça prendrait en compte leurs envies et besoins, et il faut quand même garder à l’esprit que sans eux, point de salut ! L’exercice d’évaluer en amont la demande potentielle de chaque formule, pourrait permettre de répondre à de nombreuses interrogations.